Diamniadio est une ville carrefour non seulement à l’échelle du Sénégal, mais également de la sous-région. Elle est le point d’entrée pour Dakar, le croisement entre différentes routes nationales et voies de chemin de fer. C’est dans cette optique que le site fut choisi à la fin des années 1990 pour y mener un projet de ville secondaire, visant à désengorger Dakar. En 1999, un plan d’urbanisme de détail est déjà dessiné, incluant le découpage de la zone en secteurs industriel, artisanal, etc, et la mise en place de coopérations telles qu’un parc Senegalo-Taiwanais. L'alternance politique menant systématiquement à un chamboulement des projets en cours, 2000 et l’arrivée au pouvoir d’Abdoulaye Wade marque un tournant pour le projet. Le Sénegal étant élligible au MCA (Millenium Challenge Account), il est decidé que Diamniadio pourrait devenir la plateforme du millénaire, et les investissements sont avancés pour arriver à cette fin. Le rapprochement entre la Chine et l’Etat sénégalais mène à l’abandon du projet de parc avec la coopération Taiwanaise : tout est repris de zéro. Une agence est créée pour spécifiquement ce projet porteur d’espoir ainsi que sa promotion.
Jusqu’à ce que « soudainement, le chef de l'Etat ne décide que cette ville nouvelle n’était qu’un serpent de mer qui impliquait des investissements massifs de toutes parts" (Momar Mongue, professeur de géographie à l’UCAD). Le projet est alors abandonné, au profit d’investissements pour la construction d’un nouvel aéroport et la zone économique spéciale qui le jouxtera. Mais Diamniadio était le projet de Macky Sall, alors premier ministre de Wade. A son accession au pouvoir, en 2012 , il relance le projet – dans le cadre de son plan phare, le Plan Sénégal Emergent. Diamniadio est ainsi vendue dans les communications officielles et par les investisseurs et promoteurs comme une Smart City, la ville moderne, ville du futur, une ville durable qui sera un moteur pour le développement économique du pays tout entier. Groupes Indien, Marocain, Français ne tarissent pas d'éloges sur le potentiel du pôle urbain et investissent dans le projet. Sur le papier, l’idée semble effectivement prometteuse: position stratégique, investissements en termes d’infrastructures, un marché qui s’avère très favorable… sans compter le soutien politique dont le projet bénéficie.
La volonté politique est d’ailleurs ce qui a permis de contourner un certain nombre d'obstacles à la réalisation du projet. La question des terres, tout d’abord : le terrain sur lequel prend place le projet de ville nouvelle était originellement du domaine public. Pendant longtemps existaient des communes rurales qui servaient de relai entre l’Etat et les villageois. Ceux-ci se rassemblaient pour élire des représentants, chargés de négocier la répartition des terrains entre les agriculteurs traditionnels. Les bénéficiaires ne devenaient pas propriétaires mais pouvaient exploiter le terrain et en vendre les produits, vivre de la terre. Seulement, les communes rurales ont aujourd’hui disparu. Et pour lancer le pole urbain, l’Etat du immatriculer les terres à son nom. Les agriculteurs se plaignent aujourd'hui d’avoir été lésés dans la transaction: L’Etat dédommage à partir d’une estimation des infrastructures (ex: réseaux d’irrigation) mais ne reconnait pas de droit sur ces terres aux agriculteurs. Certains estiment pourtant que l'entretien de ces terrains sur des dizaines d’années le justifierait d’autant plus que l’accès à la propriété n’était dans les faits pas possible pour ces agriculteurs.
Par ailleurs, les sols de Diamniadio sont parmi les plus fertiles du Sénégal. Au-delà des implications que leur conversion implique dans la stratégie d’auto-suffisance alimentaire, cela signifie également qu’ils ne sont pas propices au bâti Composé en majorité d’argile gonflante, le sol ne permet de construire de manière sûre qu’au coût d'investissements importants dans les fondations, ce que ne pourront se permettre que bien peu de particuliers. C’est la raison pour laquelle la stratégie choisie favorise la ville à la verticale. Les seules maisons particulières projetées seront des villa de standing entreprises par un operateur immobilier sur la parcelle qui lui a été attribuée
.
Le pôle urbain en construction s’étale sur quatre communes. Pour faciliter le déroulement du projet ces communes ont été défaites sur ce territoire de leur prérogatives en terme de délivrance de permis de construire et d’urbanisme au profit d’une autorité nouvelle : la DGPU ( Délégation générale de promotion des pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose). Cette délégation, chargée de coordonner les opérations nécessaires à la création du pôle, est un service de la présidence de la république. Les autorités communales et les habitants ne se sentent pas écoutés dans le projet qui s’inscrit ainsi complètement dans une démarche top-down. La question du futur mode de gouvernance du pôle reste ouverte, la gestion intercommunale ou la création d’une commune nouvelle étant les principales possibilités.
Au sein de la DGPU, nous avons pu rencontrer la personne en charge du projet « Smart City ». Ce volet du programme en est encore à ses balbutiements puisque rien relevant de la Smart City n’a été encore décidé et que la réflexion à ce sujet débute à peine. En dehors du parc numérique qui n’est pas géré directement par la DGPU il n’y a pas d’initiatives particulières liant le numérique et l’urbain. C’est pourquoi nous avons recadré notre projet pour nous intéresser plus largement à l’utilisation du numérique dans toute la nouvelle région de Dakar ( de Dakar jusqu’au futur aéroport AIBD) comme levier d’attractivité et de développement.
Au Maroc, Casablanca est la ville cosmopolite par excellence. Une ville jeune, au passé récent : elle ne comptait que 20 000 habitants au début du XXe siècle. Avec une population actuelle de 3,5 millions d'habitants et près de 5 millions pour la totalité de son agglomération, Casablanca est aussi une ville qui a grandi rapidement, et où l'urbanisation a toujours été un challenge.
Cela explique peut-être la nature cosmopolite de la ville : Casablanca est riche architecturalement, culturellement et ethniquement, puisqu'elle a toujours eu une tradition d'accueil pour les populations du Maroc, du reste de l'Afrique et d'Occident.
Riche, Casablanca l'est aussi socialement. Du fait de sa place de capitale économique du Royaume, nous nous attendions à trouver d'importantes différences de richesse parmi ses habitants. Les écarts réellement constatés lors de nos visites de terrain et les divers entretiens que nous avons eus à ce stade nous ont toutefois frappés par leur ampleur. En mettant de côté les bidonvilles excentrés et les quartiers résidentiels éloignés remplis de villas toutes plus luxueuses les unes que les autres, le centre-ville en lui-même est le théâtre de toutes les inégalités. Sur un périmètre restreint, il arrive souvent que des enfants affamés côtoient des Porsche dernier cri.
Bien que Casa ait une histoire récente, son dynamisme - qui n'est plus à remettre en question - ne s'est pas toujours exercé aux mêmes endroits selon l'époque. Alors que le cœur de la ville battait dans le quartier art-déco sous le Protectorat, celui-ci a glissé lentement mais sûrement vers le Maârif au fil des années. Toutefois, on observe aussi désormais d'autres lieux de vie et d'animation : la Corniche et ses nouveaux centres commerciaux, la ville art-déco et la place Mohammed V qui continuent d'attirer... Finalement, Casablanca est une cité typiquement polycentrique.
Ces observations nous ont amenés à adapter la notion de "centre-périphérie" au cas de Casablanca. On a déjà eu l'occasion de prendre pour hypothèse le fait que le concept de ville intelligente est davantage pensé pour les zones centrales : il ne s'agit pas forcément d'endroits qui soient centraux géographiquement, mais plutôt des lieux de vie, de rencontre, où différents milieux sociaux peuvent se côtoyer (même sans se parler). Par opposition, les zones périphériques seront de deux types : les zones résidentielles, y compris en centre-ville, qu'elles soient riches, modestes voire pauvres, et les zones rurales excentrées, que nous avions déjà pris en compte lors de la définition de notre mission.
Casablanca affiche clairement l'objectif de compter parmi les "smart cities" en Afrique et dans le monde. En témoigne le lancement d'un site Internet dédié à la ville, www.casablancacity.ma, à la fin de l'année 2015. Casablanca a également organisé, les 18 et 19 mai derniers, la "Smart City Expo Casablanca" et une nouvelle édition est d'ores et déjà programmée pour les 17 et 18 mai 2017.
Pourtant, Casablanca souhaite aussi s'imposer comme une ville intelligente en dépassant les nouvelles technologies : il s'agirait alors d'adopter une organisation efficace, avec un leadership et une direction clairement énoncés afin de concrétiser des projets novateurs dans des délais serrés tout en obéissant à une exigence de qualité et de sérieux.
Les 4 et 5 septembre 2016, Hangzhou accueillera les dirigeants des 19 pays les plus puissants du monde et de l'Union Européenne. Une première pour la Chine, qui gère l’organisation d’une main de fer. « En une année, ce sont dix ans d’investissements qui ont été réalisés dans la ville », commente Han Haoyin, professeur d’urbanisme que nous avons rencontré à l’Université du Zhejiang.
Pour l’occasion, toute la ville a été décorée aux couleurs du G20 : arrêts de bus, abris pour les deux roues, sièges dans les transports publics, vélos en libre-service et écrans géants sont couverts de publicités célébrant l’évènement et les 24 « valeurs du communisme » : liberté, démocratie, harmonie … (sic.) Plusieurs spectacles « sons et lumières » viennent d’être mis en place sur le lac, sur la place Wulin et dans le CBD, mélangeant musique classique européenne et airs militaires chinois. Les personnes âgées de la ville ont reçu des instructions censées leur apprendre un anglais basique afin d’accueillir au mieux les touristes. Le gouvernement veut présenter une ville propre, dynamique, ancrée dans un héritage culturel important tout en étant tournée vers la modernité et les nouvelles technologies.
Les chantiers des bâtiments et des nouvelles lignes de métro sont poussés à des cadences effrénées avant d’être totalement interrompus durant le sommet, comme l'ensemble des usines et des centrales à charbon de la région (Shanghai inclus), garantissant un ciel bleu pour les puissants de ce monde. De grandes palissades présentant la ville sous son plus beau jour sont installées afin de masquer les travaux. Les lieux les plus touristiques de la ville ont bénéficié d'une large rénovation. Plus largement, la ville a connu une accélération exponentielle de sa croissance déjà considérable avec le percement de 7 nouvelles lignes de métro, la construction de nouvelles tours et l’amélioration des infrastructures existantes, avec pour horizon l’organisation des Jeux Asiatiques de 2022.
Début septembre, les administrations resteront portes closes, les universités repousseront leur rentrée et l’ensemble des employés seront invités à voyager grâce à une semaine de congés offerte. L’objectif : vider la ville de ses habitants et limiter ainsi la congestion et la pollution, tout en facilitant les contrôles policiers. Les coûts de ces préparatifs s’élèveraient à près de 22 milliards d'euros (160 milliards de yuans), l'équivalent de 70% des revenus de la ville en 2015, selon un officiel chinois depuis arrêté pour avoir critiqué l'organisation du sommet.
Les autorités ont d’ailleurs renforcé leur surveillance des étrangers résidant dans la ville, interdit les locations Airbnb (qui ne permettent pas de fichage généralisé des touristes comme les hôtels) et encadré les chauffeurs de VTC. Enfin les rassemblements, notamment religieux, sont sévèrement encadrés voire interdits. Le gouvernement chinois veut offrir au monde une vitrine sans tâche d’une ville présentée comme un modèle de développement, quitte à dépenser des moyens démesurés dans la propagande et pour l'apparence de la ville.
Brève de Jérémy Leugé et Liubing Xie
Retrouvez tous les articles publiés sur Hangzhou et son programme de smart city.
Nous voici installées à Guayaquil depuis un peu plus d'une semaine. Nos premières impressions furent celles d'une ville à la population accueillante, ensoleillée, mais très dense, bruyante et polluée... L'impact de la rénovation urbaine initiée par la municipalité depuis les années 2000 est visible, et les habitants semblent s'accorder pour dire que celle-ci impacte significativement leurs modes de vie.
En effet, Guayaquil a entreprit une transformation importante, d'une ampleur inégalée sur le reste du territoire équatorien. Cette rénovation urbaine s'est faite en parallèle d'un mouvement de décentralisation décidé par le gouvernement, ce qui permet aux acteurs locaux d'acquérir un plus grand pouvoir d'initiative. Souvent, la municipalité de Guayaquil s'appuie sur le secteur privé, via des contrats signés avec de multiples entreprises, afin de pouvoir concrétiser ses projets.
C'est par le biais d'une méthode incrémentale que la rénovation urbaine se met en place, avec des changements progressifs et une optimisation maximale des ressources existantes.
Au niveau de l'organisation spatiale, Guayaquil s'étend verticalement, le long du fleuve Guayas. La partie Nord de la ville demeure plus développée, plus sure et visiblement plus moderne que la partie Sud. Même dans le centre touristique, certains quartiers sont encore considérés comme particulièrement dangereux et délabrés, comme c'est le cas de Las Penas par exemple. A ce stade de notre recherche, on peut donc se demander si la rénovation urbaine ne s'apparente pas dans certaines localités à une rénovation "de facade".
En ce qui concerne la mobilité urbaine, celle-ci est largement dominée par deux réseaux de bus majeurs, le système de "bus urbains" anciens et la jeune Metrovia née en 2006.
Ainsi, nous avons décidé de partir à la recherche d'un maximum d'informations provenant des autorités locales. Nous avons interrogé Fernando Amador, le directeur du service des transports publics de l´Autorité Municipale des Transports (Autoridad de Transito Municipal) en charge de la régulation des "bus urbains". Celui-ci nous a éclairé sur la volonté municipale de faire évoluer ce modèle. En effet, il s'agit de systématiser et de réformer un système actuellement désorganisé et anarchique. Ces bus n'ont pas d'itinéraires clairement définis ni d'arrêts formalisés dans l'espace public. L´institution cherche ainsi a imposer un parcours établi que se doivent de respecter les chauffeurs.
Nous avons également interrogé la responsable de la Communication Institutionnelle de la Fondation Metrovia, Marcela Camposano, et son président, Federico von Bunchwald. Ces derniers nous ont fait part des innovations de ce système de bus cherchant a accorder une plus grande importance aux usagers. Les arrets de bus sont pourvus d'un dispositif wifi mais aussi de gardes et de caméras de surveillance. De plus, le prix d´un trajet est tout à fait abordable puisqu'il est égal aux prix des tickets des "bus urbains".
De même, la fondation Metrovia met en place des campagnes de sensibilisation destinées notamment aux jeunes afin de les conscientiser quant aux comportements à adopter dans les transports en commun. De même, des campagnes abordent le sujet de la violence faite aux femmes dans ces derniers.
Quant à la technologie, il semble que la technologie numérique soit utilisée comme un levier dans la rénovation de Guayaquil. Ainsi, une direction de l'informatique a été créée au sein de la municipalité, avec comme tâche principale la mise en place de bornes d'accès wifi gratuite dans l'ensemble de la ville. Nous avons également constaté que le système de transport Metrovia portait une attention particulière aux innovations numériques. Ainsi, une application mobile sera lancée d'ici 2 semaines pour permettre aux usagers, de calculer leurs itinéraires, de suivre en temps réel l'évolution du trafic, et d'être informés de tout incident survenus sur le réseau. De plus, d'ici la fin du mois d'aout, des écrans tactiles seront installés dans l'ensemble des bus, pour assurer, entre autres, une meilleure communication entre les passagers, les conducteurs et le centre de contrôle. Le système Metrovia favorise en ce sens la mise en place d'une mobilité intelligente à Guayaquil.
Voici donc un petit compte rendu de l'évolution de notre recherche pour urbanistes du monde.... Les prochaines étapes s'avèrent tout aussi stimulantes, puisqu'une rencontre avec le maire de Guayaquil, Jaime Nebot, est, on l'espère, en cours de planification. Il s'agira ensuite d'étudier dans quelles mesures l'écologie et le respect de l'environnement est intégrée à la rénovation urbaine, et de savoir si des programmes d'éducation au numérique existent, et sont facilement accessibles au public. Enfin, il s'agira d'analyser plus en profondeur quelles sont les forces du secteur privé qui développent des projets rapprochant Guayaquil du concept d'une ville intelligente, particulièrement en rapport avec la mobilité urbaine et les transports.
A Casablanca depuis mercredi soir, nous avons pu commencer à baigner dans l'atmosphère casablancaise. Après une journée de visite et plus de 20km de marche, notre première impression fut de constater les nombreux visages de cette ville polycentrique, entre centres d'affaires ultra modernes et habitats très modestes.
Après cette première découverte de la ville, le temps est venu d'en rencontrer les différentes parties prenantes.
Clarisse & Quentin