Les technologies numériques permettent de nouvelles formes de participation citoyenne. Deux plateformes en ligne ont vu le jour à Medellín : citiesfor.life et MiMedellin. Manuela. Valencia de Cities for life nous présente leurs objectifs et leur portée.
D’où est née l’idée de la plateforme citiesfor.life?
En 2013 Medellín a été élue la ville la plus innovante par Citi Bank et le Wall Street Journal. De là nous est venue l’idée d’inviter des villes du monde entier pour qu’elles présentent leurs
expériences en terme d’innovation et ainsi favoriser l’échange de connaissances. Nous avons ainsi réalisé l’évènement global « Cities for Life » en aout-septembre 2015. Un des prémisses est que
dans un monde globalisé, nous partageons de nombreux défis tout comme des opportunités, nous devrions donc collaborer pour être plus performants. L’évènement avait un volet politique, durant
lequel 60 maires du monde entier se sont accordés sur une déclaration sur la gouvernance des villes et durant lequel nous avons défini les défis de l’urbanisation ; et un volet technique, durant
lequel 90 experts
nationaux et internationaux ont participé à un processus de co-création pour chercher des solutions face aux défis qui avaient été définis.
Durant l’évènement, nous avons lancé la plateforme globale citiesfor.life. Celle-ci cherche à donner à cette communauté globale un espace virtuel pour qu’elle puisse continuer à partager
expériences et réussites et à réaliser des exercices de co-création.
Quelle est la relation entre la plateforme citiesfor.life et la plateforme MiMedellín ? Comment fonctionnent ces plateformes ?
Au-delà de l’évènement et de la plateforme citiesfor.life, nous développons la plateforme MiCiudad (MaVille), qui localement est MiMedellín. MiCiudad est une initiative qui sera mise en œuvre
dans plusieurs villes de Colombie et du monde. Citiesfor.life est la plateforme-mère qui chapeaute ces différentes initiatives locales. La plateforme locale cherche à favoriser la participation
et l’innovation citoyenne, et à améliorer le dialogue
entre le gouvernement et les citoyens.
Sur cette plateforme, tu peux lancer une question ouverte pour lancer un processus d’écoute. Par exemple, à Medellín, nous voulons transformer le centre-ville. Nous avons donc lancé une question
ouverte aux citoyens : « Comment imagines-tu le centre de Medellín ? ».
Cette question nous aide à comprendre quels sont les problèmes spécifiques. Tu reçois des milliers d’idées, sur des thèmes variés comme l’environnement, la mobilité,l’espace public, la sécurité…
Et un des problèmes majeurs du centre de Medellín que nous avons détecté est l’insécurité, et en particulier le vol de téléphones portables. Nous avons
ainsi identifié une cause critique, et lancé un défi plus spécifique : « comment pouvons-nous lutter contre le vol de téléphones portables dans le centre ? ».
Sur la plateforme, une option te présente deux idées de manière aléatoire, et tu peux voter pour celle que tu préfères. Le système prend alors en compte les votes, les « likes » et les
commentaires et établit un top 10 des meilleures propositions. Il y a donc au sein même de la plateforme une forme de reconnaissance citoyenne qui est très importante durant tout le
processus.
Disons qu’une proposition citoyenne était de construire un pont. L’idée même n’est pas innovante, mais le processus l’est, car l’idée vient du citoyen et résulte d’un processus d’innovation
ouverte. Quand nous mettons en œuvre le projet, nous montrons notre reconnaissance envers le citoyen pour qu’il prenne conscience de son pouvoir d’action et continue à participer. L’idée de la
plateforme est d’écouter les idées de chacun et de reconnaitre l’innovation citoyenne. De plus, les citoyens vont prendre soin de la ville car ils se rendent compte qu’ils en sont les acteurs
principaux et qu’elle leur appartient. La participation a un grand impact sur l’appropriation des projets.
Nous pouvons aussi poser une question à choix multiple. Par exemple, si une autorité locale a trois idées de projets et ne sait pas lequel mettre en œuvre, elle peut poser une question et les
citoyens choisissent leur projet préféré, et peuvent nourrir la proposition en la commentant. La plateforme aide ainsi la municipalité dans la prise de décision, elle permet une allocation des
ressources plus efficaces, et améliore la gouvernance.Avec ces idées, tu peux donc formuler un projet urbain. Mais tu peux aussi formuler des opportunités pour le secteur entrepreneurial. C’est
ainsi une manière innovante de connecter le secteur privé aux nécessités de la ville.
Quand une problématique se répète dans de nombreuses villes et que nous nous rendons compte que c’est un problème global, ou quand nous sommes incapables d’apporter une solution au niveau local,
nous le publions comme défi global sur la plateforme citiesfor.life, pour que ce ne soit plus seulement la communauté locale qui réponde au défi, mais la communauté internationale.
Petit à petit nous consolidons et élargissons le réseau« cities for life », constitué par les villes qui ont signé la déclaration de l’évènement Cities for life ou qui ont confirmé leur attention
d’adhérer à ses principes, et qui rejoignent la plateforme. Nous publions aussi des cas d’étude pour promouvoir des solutions aux problématiques que de nombreuses villes.
Comment ces initiatives s’alignent-elles avec la politique générale de Medellín pour se positionner comme ville intelligente ?
En Colombie, il y a un décret de gouvernement en ligne qui définit la responsabilité des villes de mettre en œuvre des processus d’innovation ouverte. La plateforme se présente ainsi comme une
solution pour que les villes se conforment à leur obligation.
Medellín a plusieurs stratégies pour se positionner comme ville intelligente. Par exemple, la ville est en train de mettre en place une politique d’open data et d’accès à l’information en ligne.
Nous allons connecter cette stratégie d’open data à la stratégie de participation citoyenne, afin d’enseigner aux citoyens comment utiliser ces données pour élaborer des propositions plus
adéquates.
Comment analysez-vous toute l’information que vous recevez ?
Ce travail est clé. Pour cela nous travaillons avec Inspira Lab, un laboratoire de Medellín spécialisé dans l’analyse de l’information, qui nous remet un dossier très complet. Ils prennent en compte tous les posts et commentaires. Ils analysent quels sont les tops, ils réalisent des nuages de mots et identifient des opportunités et tendances d’innovation correspondant aux idées citoyennes. Toutes les propositions sont géoréférenciées, donc tu peux aussi voir les résultats par quartier.
Vous pouvez me donner un exemple d’idée citoyenne qui s’est concrétisée ?
lus de 50 propositions citoyennes ont déjà été mises en œuvre. Par exemple, grâce à des idées citoyennes, Laureles est devenu le premier quartier de Medellín adapté au déplacement à vélo. Plus de
200 propositions avaient été enregistrées en réponse à ce défi et les 5 idées gagnantes ont été mises en œuvre.
Sur la plateforme MiMedellín les statistiques sur les usagers montrent que la majorité sont jeunes, étudiants et ingénieurs.
Comment percevez-vous cela ?
Cela est dû à la fracture numérique. A Medellín il y a 500 000 personnes connectées, c’est très peu. La majorité sont des étudiants ou des jeunes en général. Il y a donc des limites, mais nous
agissons aussi directement sur le terrain pour améliorer l’intégration.
Par exemple, récemment MiMedellin a été utilisé comme outil pour co-créer le nouveau plan de développement local. Des sessions de travail ont été organisées dans chaque arrondissement et il y
avait des stands de MiMedellin où nous présentions la plateforme, nous expliquions aux gens comment s’enregistrer, et comment ils pouvaient être actifs sur la plateforme. Nous notions aussi les
idées des citoyens qui ne souhaitaient pas s’enregistrer sur la plateforme.
Nous allons aussi dans les quartiers pour enseigner aux personnes âgées comment utiliser la plateforme. Nous développons aussi d’autres méthodologies de travail participatif selon le groupe visé.
Il est toujours nécessaire d’articuler les deux types de travail : la participation citoyenne via la plateforme, et le travail de participation sur le terrain.
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