Hangzhou : un écosystème d'applications smartphone rapprochant citoyens et administration

Dans son objectif de développer « l‘administration urbaine intelligente », l’Urban Management Committee de Hangzhou a développé une série d’applications pour smartphone, notamment concernant « l’administration de proximité ». Son objectif principal réside dans la création d'une plateforme sur laquelle les habitants peuvent signaler les dysfonctionnements de la ville, tout en développant « l’humanisation du renforcement législatif ». Or ces applications doivent trouver leur place sur un marché déjà occupé par les logiciels privés, notamment ceux développés par Alibaba, toujours en relation avec la municipalité.

 

L'application "Administration de proximité" devant le CBD de Hangzhou. En haut : "Pour le G20, ensemble, reportons les problèmes urbains". Photo : Liubing Xie et Jérémy Leugé.
L'application "Administration de proximité" devant le CBD de Hangzhou. En haut : "Pour le G20, ensemble, reportons les problèmes urbains". Photo : Liubing Xie et Jérémy Leugé.

L’Urban Management Committee de Hangzhou a déployé le 3 avril 2014 l’application « 贴心城管 », « Administration de proximité ». Elle vise à concentrer et à simplifier l’accès aux services municipaux, mais également à développer de nouveaux services pour les citoyens. En parallèle, trois applications « Santé », « Transports » et « Tourisme » viennent compléter l’offre municipale.

 

Le développement technique de l’application est assuré par City Cloud, joint-venture spécifique à Hangzhou entre l’américain Cisco et Insigma, entreprise chinoise locale étroitement liée à l’université du Zhejiang de Hangzhou. La technologie américaine se retrouve ici appropriée et contrôlée indirectement par le gouvernement local (cf. article dédié à l’organisation gouvernement-entreprises à Hangzhou – publié prochainement). La municipalité de Hangzhou est à l’origine de l’appel à projets concernant cette application ; elle en a défini les ambitions et s’occupe de sa gestion ainsi que de la collecte des informations produites. L’application est disponible sur iOS et Android (à travers les différents « stores » des constructeurs chinois).

 

SIGNALER OU DÉNONCER ?

La principale fonction de l’application réside dans sa page de report des dysfonctionnements de la ville. Les problèmes de voiries, de distribution d’eau et d’équipements publics (poubelles, toilettes…) sont les premiers visés.  Mais les autorités invitent également à utiliser l’application pour signaler tout manque à l’ordre public : chantiers non-déclarés, animaux de compagnie non-badgés, vente à la sauvette, publicité sauvage…

 

Le report doit être accompagné d’une photo ou d’une vidéo et bénéficie d’une géolocalisation automatique. Une fois signalé, l’utilisateur accède à un suivi de sa demande et de son potentiel traitement par les autorités. De mars à septembre 2016, en amont de l’organisation du G20, les autorités ont lancé une campagne de promotion concernant cette fonctionnalité, souhaitant améliorer le cadre de la ville en promettant une réponse rapide aux citoyens.

 

Il s’agit en réalité d’une expansion et d’une internalisation d’une fonction qui existait au préalable dans la ville. Avant 2014, la municipalité chargeait une entreprise privée de relever les dysfonctionnements urbains et d’animer une hotline téléphonique afin de recueillir les retours des habitants. Avec l’application, la municipalité reprend le contrôle en traitant directement les complaintes, qui peuvent toujours être adressées par téléphone, mais aussi par les réseaux sociaux (Weibo). En mai 2016, le gouvernement annonce avoir collecté 16 000 retours des habitants depuis le lancement de l’application, chiffre convenable mais à relativiser vu la superficie et la population de la ville.

 

En plus de fournir au gouvernement une rapide connaissance des problèmes liés à son territoire, l’application lui permet un traitement statistique de type big data afin de mieux comprendre l’origine des anomalies urbaines. Les résultats communiqués annoncent ainsi que 34% des dégradations des trottoirs et 46,1% des dommages causés aux buttes séparatrices de chaussées sont causées par des violations aux règles de parking.

 

 

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Capture d'écran de la fonctionnalité de signalement de problèmes urbains dans l'application "Administration de proximité". L'utilisateur est invité à insérer une photo, un commentaire audio ou écrit et à catégoriser l'incident.
Capture d'écran de la fonctionnalité de signalement de problèmes urbains dans l'application "Administration de proximité". L'utilisateur est invité à insérer une photo, un commentaire audio ou écrit et à catégoriser l'incident.

Capture d'écran de la fonctionnalité de localisation des places de parkings au sein de l'application "Administration de proximité".
Capture d'écran de la fonctionnalité de localisation des places de parkings au sein de l'application "Administration de proximité".

L’accès aux facilités du quotidien représente la seconde priorité de l’application « administration de proximité », à travers une cartographie des services s’appuyant sur les fonds de carte de l’entreprise Gaode (高德) rachetée par Alibaba deux mois avant le lancement de l’application. On y trouve la localisation des administrations publiques (police, tribunaux, services de la mairie), des Vélos en Libre-Service, des toilettes publiques et des lieux de réparation (ateliers vélos, cordonniers, électroménager).

 

Le stationnement reste l’autre axe majeur de l’application, avec la géolocalisation des parkings privés et publics selon quatre couleurs indiquant le nombre de places encore disponible. Les frais de stationnement peuvent être réglés directement dans l’application, tout comme les amendes en cas de contraventions. Enfin, dans une situation de stationnement gênant, les utilisateurs peuvent indiquer la plaque d’immatriculation du véhicule indélicat ; si son propriétaire est enregistré dans l’application, il recevra une notification l’invitant à déplacer sa voiture.

 

 En parallèle, l’application sert de relais d’informations pour la municipalité, en proposant un fil d’actualité général sur la ville (évènements…), des alertes météorologiques et des informations concernant les travaux et les coupures temporaires d’eau et d’électricité. L’information reste toutefois générale à la ville, sans utilisation de la géolocalisation. Les citoyens peuvent également suivre l’état d’avancement de leurs procédures administratives (demande de certificats, réclamations…). Plus récemment, l’accès aux relevés mensuels concernant la qualité de l’eau dans les rivières, canaux et lacs de la ville a été rajouté.

 


UNE APPLICATION EN MANQUE DE PARTICIPATION … ET DE PARTICIPANTS

Enfin, la promotion de l’application auprès des citoyens a également été étudiée, à travers un système de points récompensant chaque utilisation de l’application (report de dysfonctionnements urbains, paiement du parking…), pouvant être échangés contre des cadeaux. En parallèle, un système de « quizz » quotidien a été intégré à l’application, invitant les utilisateurs à découvrir les fonctionnalités de l’application à travers de petites questions.

 

Malgré cela, l’utilisation de l’application reste à étendre. Le gouvernement revendique 32 000 utilisateurs enregistrés (ayant enregistré leur numéro de téléphone), une goutte d’eau parmi les 9 millions d’habitants de la ville. Il est d’ailleurs rare de rencontrer quiconque à Hangzhou utilisant régulièrement l’application, qui reste à l’ombre de l’offre proposée par le privé et portée par de lourdes compagnes de communication. 

 

Cet échec peut en partie s’expliquer par le grand manque de l’application : une réelle opportunité de participation citoyenne. Si les habitants peuvent y trouver des services publics, leur engagement dans l’application reste faible (l’option de signalement de problèmes urbains étant conçue comme un outil pour l’action municipale, et non pas comme un service d'expression pour les habitants). En comparaison, l’application développée à Séoul (Corée du Sud) propose une plateforme citoyenne avec vote consultatif par mobile et transparence des données publiques.

 

UN ÉCOSYSTÈME RICHE D’APPLICATION PUBLIQUES ET PRIVÉES

L’application « Administration de proximité » s’inscrit dans une offre applicative riche et complexe, aussi bien de la part du gouvernement que des acteurs privés.

 

Les différents services de la municipalité de Hangzhou proposent d’autres applications pour smartphone. La plus complète étant celle liée à la santé et à l’accès aux soins (cf. article dédié à la santé connectée à Hangzhou – publié prochainement). L’application publique de transport permet le calcul d’itinéraire et la localisation de services, restaurants et divers lieux alentours. Une application de « smart tourism » propose la description des sites à visiter dans la ville et des services liés (restauration, transports, accès aux urgences, toilettes) ; elle intègre également une plateforme de réservation de billets d’avions et de trains via l’insertion de l’application privée Ctrip au sein de l’interface.

 

A l’inverse, les applications privées viennent également intégrer les services publics, dans une offre bien plus populaire et interconnectée. Le groupe de e-commerce Alibaba, basé à Hangzhou, a intégré les services de la municipalité dans son application de services AliPay. Initialement orientée vers le paiement mobile (et permettant aujourd’hui de régler dans la quasi-totalité des commerces de la ville), l’application assure désormais l’accès vers des fonctionnalités de l’application « Administration de proximité » : paiement des frais de parking, suivi des procédures administratives, accès aux résultats médicaux… AliPay étant disponible partout en Chine, les services varient selon l’engagement de chaque municipalité à ouvrir ses données : Hangzhou se démarque par son niveau de coopération avec l’entreprise.

 

 Par ailleurs l’application donne accès à des services privés (paiement en ligne, réservation de titres de transports…) et bénéficie de moyens de communications considérables, la rendant plus attractive pour les utilisateurs, et faisant de l'ombre à l'application municipale.

 

 

Article de Jérémy Leugé et Liubing Xie

Retrouvez tous les articles publiés sur Hangzhou et son programme de smart city.

 

 

 

 

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Capture d'écran de la fonctionnalité "Services Urbains" au sein de l'application Alipay, développée par Alibaba. A côté des trois agents est inscrit : "Dans les administrations de cette ville, pas besoin de faire la queue".
Capture d'écran de la fonctionnalité "Services Urbains" au sein de l'application Alipay, développée par Alibaba. A côté des trois agents est inscrit : "Dans les administrations de cette ville, pas besoin de faire la queue".


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